De l’indépendance de l’Ecosse et de l’autodétermination.

Le 18 septembre à venir les Ecossais se prononceront sur leur volonté de retrouver, ou non, un Etat indépendant de l’Angleterre. Ce référendum réactive la question de l’autodétermination, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La campagne quant à l’indépendance de l’Ecosse revêt, vue de France, deux aspects principaux: l’économie et le rêve.

Du droit de peuples à disposer d’eux-mêmes.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ou droit à l’autodétermination, est le principe selon lequel chaque peuple dispose d’un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère. L’exercice de ce droit est en général lié à l’existence d’un État spécifique au peuple en question, État dont la pleine souveraineté est souvent envisagée comme la manifestation de la plénitude de ce droit. Il s’agit d’un droit collectif qui ne peut être mis en œuvre qu’au niveau d’un peuple.

Source: Wikipédia

Ce droit constitue un des apports de la philosophie des Lumières et de la Révolution, donnant la souveraineté aux peuples, libres dès lors de choisir comment ils seraient dirigés. Cette idée suppose une démocratie fondamentale dont découle le régime en place quel qu’il puisse être. L’autodétermination trouva son premier essor dans l’Europe des traités de Versailles qui vit la création d’Etat: Pologne, Tchécoslovaquie, Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, Lituanie entre autres; cependant si le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes guida pour partie le découpage de l’Europe, il n’y eut pour autant pas de référendums d’organiser dans la plupart des cas.

Un référendum marquant en matière d’autodétermination fut celui de 1935 concernant le territoire du Bassin de la Sarre. Les plus récents sont ceux concernant l’indépendance du Monténégro et du Kosovo dont les contextes furent très différents. Si le premier s’est fait d’accord avec Belgrade en 2006, le second a réactivé le nationalisme serbe en 2008.

Les indépendantismes sont importants en Europe et particulièrement au sein de l’Union européenne (UE) poussés par le régionalisme, ainsi des Bretons, Corses, Basques, Catalans, Flamands par exemple qui par certains aspects envisagent un avenir meilleur au sein de l’UE en tant qu’Etat plutôt qu’au sein de la France, de l’Espagne ou de la Belgique.

drapeau britanniquedrapeau écossais

Drapeaux écossais et du Royaume-Uni

De l’indépendantisme, de l’Ecosse et du Royaume-Uni.

L’indépendantisme s’appuie sur une identité culturelle forte, le plus souvent renforcée par l’usage d’une langue propre, et sur l’invocation d’un passé glorieux rabaissé par la situation actuelle, une histoire souvent mythifié autour de personnes devenant personnage; il repose donc, à l’origine, sur des revendications identitaires, culturelles, visant à la défense des spécificités de chacun au sein d’un ensemble plus grand. Il en est ainsi, des Bretons en France par exemple qui ne visent pas tant l’indépendance que la reconnaissance institutionnelle de leur spécificité.

L’Ecosse remplit ses conditions, une identité indéniablement distincte de celle de l’Angleterre, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord; une histoire mythique autour du héros Robert Ier surnommé Braveheart. Mais, cela est ancien, depuis l’Acte d’Union en 1707, l’Ecosse est une des nations distincte du Royaume-Uni et est reconnue comme telle. On a donc affaire avec des revendications identitaires dans ce cas, visant la préservation des spécificités écossaises au sein de l’Union.

Le pas vers l’indépendantisme est franchi lorsque la situation économique et/ou politique donne l’impression qu’un avenir meilleur est possible par ses propres moyens. Et c’est là que l’autodétermination devient une solution pour connaître la volonté du peuple. La campagne Yes Scotland vs. Better together est représentative de ces deux aspects.

L’économie, Money rules the World et autres I want my money back.

La question de l’économie, le nerf de la guerre, les séparatismes s’axant sur l’idée que rester uni coûte cher (e.g. la séparation de la Flandres de la Belgique épargnerait à celle-là de participer à l’aide économique à la Wallonie moins riche). Ainsi l’avenir radieux promis par les richesses pétrolières et de whisky de l’Ecosse permettrait à celle-ci de financer une généreuse politique d’Etat-Providence à la norvégienne. Le Scottish National Party (SNP) base les débuts de l’Ecosse indépendante sur l’exploitation de ces ressources naturelles lui permettant une politique redistributive attirante et finançant l’innovation assurant l’avenir au-delà de l’épuisement desdites richesses.

En face, le camp du non, met en garde l’Ecosse qui se verrait privée de la livre britannique, de l’appui diplomatique du Royaume pour la promotion de ses richesses, voire même d’une partie de ses revenus attachés au pétrole dont l’extraction est confiée à des sociétés britanniques, basées en Angleterre.

La réalité est, évidemment, bien plus complexe et chacune des deux parties a à y gagner et à y perdre dans la séparation. L’Ecosse y gagnerait en pouvant ainsi mener une politique plus sociale, plus étatisée et moins libérale, à terme, nul ne peut prédire la réussite ou l’échec d’un tel modèle, mais l’Ecosse serait elle-même, serait ce qu’elle souhaite être. L’Angleterre quant à elle se retrouverait libre aussi d’accentuer sa politique en faveur du renforcement de la City et économiserait le coût de la politique sociale écossaise plus généreuse. Cependant, dans un premier temps, les deux nouveaux Etats seraient perdants, plongés dans l’incertitude liée à l’établissement d’une nouvelle frontière et à la nécessité de stabiliser les relations économiques qui naturelles au sein de l’Union se trouveraient quelque peu entravées.

Economiquement, l’indépendance est un pari risqué, mais l’économie est faite de risques qu’il s’agit de saisir. La volonté souveraine d’un peuple peut décider de se jeter dans l’inconnu car elle le pense, le conçoit, l’espère, meilleur.

L’indépendance ou l’Union: rêves d’un avenir meilleur.

L’indépendance comme l’Union promettent un avenir meilleur, la première par le fait que la nation écossaise reprendrait son destin en main, la seconde par la force que procure le fait d’être ensemble.

Cependant au cours de la campagne, le débat s’est, en grande partie, focalisé sur la question économique, ce qui est regrettable dans la mesure où un tel vote dépasse les simples conséquences matérielles et financières court-termistes, il s’agit de se prononcer sur son avenir au sein d’une Union ou en dehors. Doit donc intervenir dans le débat une représentation de l’avenir de la nation écossaise, et souvent dans ce domaine les partisans de l’indépendance l’emportent en ceci que leur idéal d’expression de la volonté propre de l’Ecosse, libéré de l’entrave britannique, est plus séduisante que la protection qu’offre l’Union. Et combien même, le non l’emporterait, toutes les frustrations qu’imposeraient l’Union à l’Ecosse dans les années à venir participeraient à accroître l’envie d’indépendance.

Face à l’envie, au rêve, à l’idéal que promettent les partisans au oui, ceux du non ne sont pas parvenus à réactiver l’envie, le rêve, l’idéal de l’Union, David Cameron n’ayant fait que menacer les Ecossais en cas de séparation (si vous quittez l’Union, vous perdrez le soutien de la diplomatie britannique, la protection militaire etc.) sans faire de réelles propositions en faveur de l’Union, tout juste le gouvernement de Londres fit-il des promesses d’autonomie pour contrer la montée du oui. Véritablement, la campagne du non n’a pas su incarner son slogan Better together.

N’hésitez pas à vous prononcer sur cette question:Pensez-vous que l’Ecosse doit être indépendante?

En conclusion, quel que soit le choix que feront les Ecossais demain, ils doivent saisir cette occasion pour exprimer ce qu’ils souhaitent pour leur nation. En ceci, on aperçoit la vitalité de la démocratie britannique, capable de proposer un tel référendum. Une démocratie vivante sait utiliser tous les moyens pour faire apparaître la volonté nationale, de la représentation au référendum. Ce dernier devant rester exceptionnel, pour des décisions engageant l’avenir de la Nation à long-terme.

Pour aller plus loin:Ecosse : to be or not to be

L’Homme moderne et la conquête du temps.

En ce mois d’octobre, nous vous proposons une trilogie d’articles intitulée L’Homme moderne, trois épisodes autour de trois questions qui nous paraissent révélatrice de ce que nous sommes, nous Hommes du XXIe siècle.

Dans ce premier opus, nous allons nousautomne_13 - Copie interroger sur le temps, et notre recherche sans fin de celui-ci.

La course au temps.

Tous les jours nous croisons des personnes qui courent, courent après le temps qu’ils n’ont pas. Courent après le tram, le bus ou le métropolitain alors qu’il y en a un quelques minutes après. Courent après le train, courent après les taxis, courent après le temps perdu. Comme si la vie de chacun devait être optimisée pour que nous fassions le maximum de choses en un minimum de temps, la productivité renforcée.

Et plus nous courons, plus nous parvenons à dégager du temps, plus nous en voulons. Le temps serait un plaisir suprême, mais comme tout plaisir il s’éteint avec l’habitude de l’avoir et la nécessité de le revivre, d’où cette infinie course effrénée.

Le temps, un plaisir, or le plaisir s’oppose au bonheur. En effet, le bonheur est un état permanent, on vit le bonheur, il est un affranchissement, une liberté à l’égard des plaisirs qui enferment dans la dépendance, la frustration selon un schéma: plaisir-fin du plaisir-quête pour le retrouver-frustration qui rendra le plaisir de retrouver ce qui a été perdu encore plus intense et en accroitra la dépendance.

De cette considération, un aparté: ceux qui tente de nous faire apercevoir l’amour comme une suite de plaisir nous leurrent. L’amour est bonheur, le sexe est plaisir. Les deux sont liés en ce sens que le bonheur se manifeste par une tempérance et une maîtrise de ses plaisirs. Souvent on pense aussi que l’amour sans sexe est un bonheur total car affranchi de tous plaisirs, nous pensons au contraire, que le bonheur ce n’est pas renier sa nature, mais la tempérer, la rendre harmonieuse, éviter toute hybris. Par contre, le sexe sans amour, lui est purement plaisir, et donc manifeste une hybris dont la catharsis peut être plus ou moins douloureuse.

Après cette digression, revenons-en à notre propos, le temps, cette recherche du temps serait donc une hybris, une manifestation de notre démesure. Alors que paradoxalement, on réclame toujours davantage de temps pour être plus heureux, accroître nos moments de bonheur, on accroît nos instants de plaisir, pas notre bonheur.

De ce comportement de course frénétique n’en ressort donc qu’impatience, stress, liés à une quête désespéré de toujours plus de plaisirs, d’où la dépendance au temps et un isolement.

Le temps pour soi ou le temps sans les autres.

Un paradoxe béant apparaît, nous courons après le temps en prétextant que nous voulons du temps pour nous. Le paradoxe réside en ceci, que dans notre recherche de temps, dans notre course nous sommes toujours seul, le temps que nous passons à courir, nous le passons avec nous et pour nous.

En fait, loin de chercher du temps pour nous, nous voulons plutôt du temps sans les autres: sans son époux, sans ses enfants qui nous retardent, sans ces gens qui nous bousculent en voulant le même tram que nous, sans ce travail, sans ses collègues, sans personne: que soi.

Et pourtant, ce temps rien que pour soi nous l’avons: le temps que nous passons à courir. Ce temps où nous ne pensons qu’à nous, qu’à notre quête de temps.

Finalement, ce temps après lequel nous courons pour nous consacrer à nous-même, nous pourrions l’avoir en cessant de courir, en prenant le temps. Le temps que nous ne passons pas à courir c’est autant de temps où nous marchons, et pouvons nous recentrer sur nous-même, ce qui est incomparablement plus profitable que courir, qui se recentre sur soi en courant après un tram?

Vivre sans temps: le temps d’avoir le temps.

Nous voilà donc à l’idéal que nous prônons, vivez sans temps (et vivez cent ans). Vivez sans courir après votre temps. Vivez, en prenant le temps, vous courez après du temps supplémentaire pour vous évader du quotidien? Prenez plutôt le temps d’admirer ce quotidien: les paysages que vous traversez en train ou en tram rivé sur votre téléphone ou ordinateur. Admirez cette rue dans laquelle vous passez depuis des années sans prêter attention à quoi que ce soit, découvrez que chaque matin le boulanger vous salue, discutez avec lui, ouvrez-vous au monde.

Cheminez lentement, vous verrez l’absurdité de voir des gens s’agglutiner dans un tram alors qu’il y en a un autre quasi-vide, cinq minutes plus tard. Cheminez lentement, vous pourrez réfléchir calmement à vous même, à ce que vous voulez faire. Cheminez lentement, discutez avec les gens que jusques là vous bousculiez énervé.

Partez en vacances, ne réglez pas à la minute votre séjour, faites une liste des activités que vous aimeriez faire, et si vous n’avez pas le temps de tout faire, est-ce grave? La récompense d’avoir bien fait un maximum est plus grande que celle d’avoir tout fait, et cela fera des souvenirs plus forts et un bon prétexte pour revenir. Prenez des photos, mais prenez le temps de les prendre, laissez votre esprit s’imprégner de ce moment, le souvenir doit être plus puissant que l’image, sinon notre vie ne serait qu’images d’endroits et non souvenir de vécus.

Alors vous me direz, comment trouvez le temps de pouvoir prendre son temps? En cessant de vouloir toujours en faire plus, le bonheur de chaque instant que vous négligiez sera plus grand que les plaisirs que vous espériez pouvoir obtenir en les négligeant. Tempérer vos désirs ponctuels par un bonheur permanent. Cheminez paisiblement, chaque jour vous découvrirez la même rue, avec les mêmes gens, peut-être, mais chaque changements ou choses non encore aperçues vous rendra heureux, et toujours plus maître de votre environnement.

La peur naît de la non-maîtrise, maîtrisez vos désirs pour maîtriser votre temps et votre environnement, apprenez le bonheur.

Nous pourrions dire: laissez le temps au temps. Mais l’Homme préfèrera souvent une course frénétique vers les plaisirs permis pas davantage de temps, plutôt que par le bonheur paisible du temps qui s’écoule.

Journées européennes du patrimoine: qu’est-ce que le patrimoine?

Alors que les dernières journées européennes du patrimoine se sont déroulées les samedi 15 et dimanche 16 septembre derniers, il nous semblait opportun de revenir sur les rapports que l’on a vis-à-vis du patrimoine.

Définition et oppositions

Le patrimoine pour Le petit Robert 2011 se définit comme ce qui est considéré comme un bien propre, comme une propriété, une richesse transmise par les ancêtres. Tel est le troisième sens, celui que l’on peut le mieux attribué à ce qu’évoque le mot patrimoine dans notre cas.

Le patrimoine serait donc ce que nos ancêtres nous ont transmis, de là s’annonce un paradoxe politique, la gauche qui se veut progressiste, et qui, à l’occasion, entonne encore l’Internationale défend, elle aussi, ce conservatisme. Le rêve de faire table rase des valeurs, des pensées, des conceptions de nos ancêtres, qui transparaissent nécessairement dans ce qu’ils nous lèguent, serait-il devenu un bon mot pour donner un côté révolutionnaire?

Le patrimoine, quoi de plus dépassé dans l’esprit d’un progressiste, le progrès c’est demain, hier n’est qu’obscurantisme et malheur. Dès lors, le patrimoine aurait valeur édificatrice: voyez ce qu’hier était pour ne plus le reproduire? Or, toujours est évoqué pour justifier l’entrée au patrimoine, le fait que cette œuvre qui a survécu au temps est là pour inspirer les générations futures, socialisme et communisme sont là pour dépasser et détruire le passé, à l’origine, lorsque socialisme et communisme existaient; de même, l’esprit révolutionnaire cherche à toujours aller de l’avant, mais cet esprit, quoiqu’on en dise n’existe plus. Révolution, socialisme, communisme appartiennent donc à notre patrimoine intellectuel comme des idéologies dépassées que nous étudions encore pour leurs gloires – et destructions – passées.

Inflation patrimoniale

Une autre question se pose au patrimoine, son caractère inflationniste, petit à petit, tout devient patrimoine. Si au départ le patrimoine s’est longtemps limité au biens matériels, déjà nombreux, tels que les bâtiments, les statues, les places, les meubles, les tableaux; c’est les biens immatériels qui ne cessent d’enfler le patrimoine, si les idées sont difficiles à considérer comme patrimoine, les ouvrages où elles figurent en sont, la gastronomie en est à présent. La patrimoine recoupe petit à petit tout, tout peut devenir du patrimoine, de l’archive publique jusqu’à la maison de famille.

Rapidement, se pose au conservateur, une contrainte: le coût.

La première tâche du conservateur: détruire

Cela peut paraître antinomique mais, si nous y réfléchissons un instant, cela est exact, la première chose que doit faire le conservateur est un tri, entre ce que l’on va garder et ce que l’on ne va pas conserver. Si souvent, lorsqu’il s’agit de lieux dans lesquels nous avons vécu, grandi, l’opposition des populations peut intervenir, le conservateur lui se doit de choisir.

Ici, conservateur est pris au sens large, nous sommes des conservateurs en puissance, chaque jour nous devons faire des choix et parfois nous séparer de choses qui ne nous servent plus et dont le rapport affectif que nous nourrissons à leur égard ne justifie pas de les conserver. L’archiviste de son côté doit choisir de même, en visite aux archives de la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS), notre guide nous a dit que chaque année un fonctionnaire de la CUS produit en moyenne 1 mètre de linéaire d’archives, sachant qu’il y a 3000 fonctionnaires à la CUS, chacun aperçoit la nécessité de détruire une part d’archives, ainsi en moyenne par an, lesdites archives de la CUS accueille de 400 à 600m d’archives supplémentaires.

Nous le voyons, la conservation, le patrimoine, nécessite des choix, notamment en raison de son coût. Ainsi, au lieu de toujours vouloir tout garder, il faut à chaque instant se demander dans quel but et pourquoi ce bâtiment là et pas un autre. Enfin, la souci du patrimoine doit nous faire prendre conscience des petites choses du quotidien que nous apprécions mais n’apercevons pas toujours et donc ne savons en profiter, et le jour où la nécessité vient nous le retirer nous en sommes dépossédés. Connaître ce que l’on aime permet de savoir s’en passer et se contenter du souvenir, s’apercevoir combien on a aimé au moment où on le perd est bien plus difficile. Tel est le patrimoine.