De la sincérité, de l’Amitié, de l’académisme, de Piano Forest

Vous vous souvenez certainement, chers lecteurs, de notre article intitulé Mercantilisme, où nous critiquions le fait que le film Piano Forest ne soit pas projeté dans un des cinémas yonnais. Nous voilà en 2010, et le film a été projeté pendant quelques semaines au cinéma le Concorde de La Roche-sur-Yon et nous sommes donc allés – enfin – le visionner, c’était le 2 mai de ce moi de Mai 2010.

Shuhei Amamiya est un jeune garçon destiné à un brillant avenir de pianiste professionnel. Au début de l’été, sa famille emménage dans une ville de province. Ses nouveaux camarades de classe lui raconte alors une bien bizarre histoire. Il existerait un piano magique caché au fond de la forêt; bien que cassé depuis plusieurs années, plusieurs personnes affirment avoir entendu une mélodie envoûtante des profondeurs de la forêt.

Seul Kai, un jeune garçon intrépide, affirme que la musique du piano est réelle et pour le prouver, il demande à Shuhei de le suivre pour vérifier sur place. Malgré l’entêtement de Shuhei, le piano n’émet aucun son. En revanche, la magie opère lorsque Kai se met à jouer. Shuhei comprend alors que son ami est un véritable génie capable d’interpréter une musique quasi-divine alors qu’il n’a jamais pris une seule leçon de piano.

Bien qu’opposés, les deux garçons deviennent vite inséparables, jusqu’au jour où il deviennent rivaux lors d’un concours national de piano auquel ils participent tous deux.

Site officiel du film Piano Forest

De la musique et de sa découverte

Piano Forest fait partie des films où le rôle de la musique est déterminant, d’où sont titre d’ailleurs vous l’aurez compris. Nous avons particulièrement apprécié ce chemin initiatique vers la musique classique, que ce soit la Lettre à Elise de Beethoven, la Valse du petit chien de Chopin, le concerto italien en fa majeur de Bach, la sonate pour piano n°8 – 1 Allegro de Mozart et la sonate pour piano n°8 – 3 Presto du même Mozart, pour ne citer qu’elles. PF1Ce film, nous entraîne donc au Japon, où deux garçons qui ont découvert le piano par deux biais totalement opposés, Kai, le défavorisé qui est le seul à pouvoir jouer du piano dans la forêt, Shuhei, le fils de pianiste renommé qui domine tous les concours, riche; le premier est venu au piano par hasard, par jeu, le second par devoir, par obligation, deux conceptions opposées, sans pour autant que le film ne nous dise ce qu’il faut penser. Certes, on est naturellement enclin à pencher du côté de Kai et sa spontanéité, mais la musique sait accueillir en son sein autant celui qui le fait par devoir que celui qui le fait par plaisir. Cette initiation à la musique et le questionnement que le film nous donne sont marqués par une formidable bande originale composée par Keisuke Shinohara qui nous porte et nous transporte, un film à regarder autant avec les yeux que les oreilles.

De l’académisme

La critique dans sa majorité appréciait l’initiation à la musique mais se plaignait de l’académisme du film, qui tout en s’interrogeant sur l’intérêt de concours trop convenu et limitateurs, aurait pu recevoir le prix de n’importe quel concours du film d’animation tant il est académique. Nous ne partageons pas cette approche car l’académisme prétendu n’est pas pour déplaire, et il apparaît plutôt aujourd’hui que la norme académique soit de plus en plus le non-académisme, faisant donc de ce film académique une bouffée d’air frais tellement nous avons renoncé à l’académisme dans tous les films aujourd’hui.PF2

Autre marque d’académisme, le rôle de l’amitié entre Shuhei et Kai, certes l’amitié est un sujet bateau dans les films, mais bateau et au combien complexe, ici nous avons une amitié entre deux enfants de deux mondes différents, l’aisé dont le père est un pianiste reconnu, et le défavorisé dont la mère pour prendre une expression familière “fait le tapin”. Deux mondes donc diamétralement opposés, et donc l’interrogation de l’amitié se pose, en effet qui d’entre nous n’a jamais eu un ami plus défavorisé ou bien plus aisé que soi? Tous nous avons parfois été confrontés à l’incompréhension face à un monde que nous ne connaissons pas, et ce film nous pose une amitié qui se frotte à ce problème. Grande interrogation, l’amitié, vaste sujet, complexe, insatiable, et ce film contribue à y apporter sa pierre.

D’un film sans fin?

En effet, ce film se finit certes trop vite, mais de manière tout à la fois attendue et inattendue, le secret demeure, l’histoire ne paraît pas avoir été éclaircie (pas de clairière en fin de film donc), de nombreuses questions se posent encore à la fin de ce film. PF3 Si la critique inculte peut s’en plaindre, nous pensons au contraire que cela est fort logique, la série de mangas inspirant le réalisateur se poursuivant encore au Japon, à une œuvre inachevée il aurait été mal venu de l’achever soi-même au péril d’influencer la véritable auteur des “Piano no Mori” de Makoto Isshiki. Par ailleurs, ce secret nous dévoilé, cette vérité à chercher est d’autant plus encourageante pour le spectateur qui peut continuer l’histoire à son gré et se laisser transporter encore par la magie du Piano dans le Forêt malgré la fin du film.

NOTES:

L’interprète: Vladimir Ashkenazy, le compositeur: Keisuke Shinohara, le réalisateur: Masayuki Kojima

De la Russie faisant l’actualité

Alors que l’Eurozone est frappée d’une crise sans précédent, alors que la gouvernement a annoncé le gel des dépenses, alors que les élections britanniques plongent le Royaume-Uni dans l’incertitude quant à celui qui occupera le 10 Downing Street, alors que la Belgique menace toujours et encore de se diviser – enfin là rien d’inhabituel –, alors que le pays le plus puissant du monde se montre incapable de se protéger des marées noires efficacement et use de moyens peu écologiques – Yes we can, enfin we could – . Malgré tous ces événements qui pourraient mériter commentaires, nous allons parler de la Russie, qui a fait l’actualité ces derniers mois, soit directement, soit indirectement; cela nous permettra de parler de la Fédération de Russie (Российская Федерация) en cette année croisée France-Russie.

Du droit de l’hommisme et d’Amnesty International

Comme chacun d’entre vous le sait, cette année 2010 est l’année croisée France-Russie – ou si vous l’ignoriez, maintenant vous le savez –, et le lancement des festivités a eu lieu notamment lors de la visite d’Etat du président Dmitri Medvdev (cf. cette vidéo résumant la visite) avant entre autre la visite du Louvre et l’inauguration de l’exposition Sainte-Russie. Mais cette visite d’Etat est l’occasion pour nous de parler des Droits de l’Homme, puisqu’Amnesty International, s’est servi d’un événement mineur et superficiel de cette visite – la chute de Mylène Farmer sur le perron de l’Elysée – pour monter en épingle le non-respect des Droits de l’Homme en Russie.

L’exploitation médiatique de la chute de Mylène Farmer par Amnesty

Si comme nombre de Français nous sommes attachés aux Droits de l’Homme, ce n’est pas pour autant que nous devons stigmatiser des pays qui soient ne les reconnaissent pas, soient ne les appliquent pas, à cela plusieurs raisons, tout d’abord, les Droits de l’Homme sont le résultat d’une conception jusnaturaliste que l’on est pas obligé d’accepter, et comme toute pensée, ils sont philosophiquement critiquables; partant de là je ne vois pas au nom de quoi on devrait imposer au reste du monde notre philosophie, à chaque Nation, à chaque pays, à chaque Homme de construire son système philosophique, les pensées des Hommes n’appartiennent pas aux sociétés qui ont permis à cet Homme d’être. Certes il appartient à l’Homme de ne pas nuire au contrat social s’il appartient à une société où l’on considère la sociabilité comme artificielle; mais ne pas nuire n’est pas pour autant feindre d’être d’accord, il s’agit de respecter les idées qui forgent nos idées tout en tentant d’en démontrer l’obsolescence, qu’il y a plus fondé qu’elles, bref débattre de ce que doivent être ces idées. À vouloir conserver à tout prix ses dogmes une société cours le risque de l’éclatement où chacun se renferment sur soi et le communautarisme où ceux qui pensent avoir raison se regroupent pour imposer aux autres leur pensée. Aujourd’hui, nombre d’organisation droits-de-l’hommistes ne respectent pas les droits de l’Homme eux-mêmes, citons: “Article 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.”, or la Loi ne prévoit pas qu’il est interdit de penser que les droits de l’Homme sont philosophiquement infondés. Partant de ce constat, je ne vois pas au nom de quoi les pensées de l’Occident aurait davantage de valeur que les pensées orientales dont la Russie, héritière de l’Empire byzantin se veut la garante. Ce droits de l’hommisme est vraiment malsain et est devenu en quelques années l’horizon indépassable de la philosophie occidentale, c’est navrant…

Des commémorations des morts de Katyn

La Russie a également fait l’actualité malgré elle par la mort du Président de la République de Pologne (Rzeczpospolita Polska) qui se rendait sur les lieux du massacre de Katyn.

Le massacre de Katyń désigne le meurtre de plusieurs milliers de Polonais — essentiellement des personnalités, des officiers mais aussi des étudiants (officiers de réserve), des médecins et des membres des élites polonaises réputées hostiles à l’idéologie communiste — par la police politique de l’Union soviétique (le NKVD) au printemps 1940 dans une forêt russe près de Smolensk.

L’URSS a nié sa responsabilité dans le massacre dès qu’il fut révélé par les nazis, ainsi que durant toute la guerre froide et rendu l’Allemagne nazie responsable. Ce n’est qu’en 1990 que l’Union a reconnu que ce massacre avait été ordonné par les responsables soviétiques. Outre ce crime d’autres exécutions massives de membres de l’élite polonaise (de 25 000 à 26 000 personnes) ont été perpétrées en 1940 en divers lieux de l’ouest de l’URSS suite au partage de la Pologne entre l’Allemagne nazie et l’Union soviétique.

Pour différentes raisons, dont notamment l’exploitation au début de l’année 1943 par la propagande allemande du massacre de Katyń découvert en 1941 lors de l’avance allemande en Russie, l’histoire a retenu ce massacre particulier comme emblématique de l’ensemble de ces crimes commis à l’encontre de la nation polonaise par l’URSS.

Source: Wikipédia

Coup du sort donc qui a vu soixante années plus tard, alors que cette commémoration commune devait parachever l’œuvre de rapprochement entre les deux nations, le président polonais et une grande partie de des élites politique et administrative de la Pologne mourir sur par le crash de l’avion présidentiel polonais en forêt de Smolensk. La Russie a assuré par la voix de son premier ministre, Vladimir Poutine, qu’elle ferait le nécessaire pour élucider les causes de l’accident. Le retour des corps du couple présidentielHommage et des autres victimes a marqué pendant des semaines la vie des polonais qui ont rendu un hommage à ceux qui les représentaient dans le monde, qu’ils soient ou non en accord avec eux.

Si certains mauvais esprits ont essayé  de voir dans cette affaire une implication russe, je regrette qu’aucuns de ces éminents esprits ne nous expliquent quel était l’intérêt de la Russie d’amorcer ce rapprochement pour finalement le tuer dans l’œuf au risque que le prochain président polonais soit plus rétif.

De l’accord START II

Le Traité de réduction des armes stratégiques (START: Strategic Arms Reduction Treaty) deuxième du nom après celui de juillet 1991 qui s’achevait en décembre 2009 et avait été reconduit le temps d’arriver à un accord. Voilà qui est désormais chose faite. Le nouveau traité limites à 1550 ogives nucléaires, ne prenant pas en compte celles qui sont en cours de destruction – c’est dire l’éventuelle marge –. Cependant derrière les apparences d’un traité qui viendrait réchauffer les relations russo-étatsuniennes, derrière le lieu tout symbolique de la signature – Prague où Barack H. Obama a fait son célèbre discours sur un monde sans nucléaire –, derrière le défilé de la Victoire de 1945 à Moscou sur la Place Rouge qui a accueilli des forces de l’O.T.A.N. (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), les relations entre les deux Etats n’en sont pas pour autant au beau fixe. STARTEn effet, Washington n’a toujours pas renoncé à son projet de bouclier anti-missile en Europe, d’ailleurs dans sa doctrine militaire quelque peu dépassé aujourd’hui la Russie voit toujours les Etats-Unis comme “la principale menace pour [sa] sécurité”, preuve que les vieux démons hantent toujours les deux pays. Qui fiers de leur passé de superpuissances dominants le monde se bornent à renouveler un traité qui paraît coupé des réalité alors que la course à l’armement nucléaire est relancé – Iran, Corée du Nord, sans oublié ceux qui peuvent très vite la fabriqué tel le Japon par exemple –, bref le doux rêve obamesque – forgeons le néologisme – risque de se heurter au douloureux principe de réalité. De même pour la Russie, qui voit encore les Etats-Unis comme la principale menace, certes ils peuvent en faire partie, les deux Etats maniant à merveille les jeux de dupes, mais il faut qu’elle rajoute les dangers iranien et nord-coréen sauf à s’en rapprocher…

Pour davantage d’informations, plus précises, je vous conseille la lecture de ce blog: Perspectives Géopolitiques, et en particulier de cet article: Les faux semblants de Prague.

De la concession ukrainienne pour le port de Sébastopol en Crimée

La Russie et l’Ukraine ont signé mercredi 21 avril à Kharkov, lors d’une visite du président Dmitri Medvedev, un accord permettant à la Flotte russe de la mer Noire de stationner en Ukraine (Україна) durant 25 ans après 2017, avec possibilité de prorogations de 5 ans, d’un commun accord des parties. 

Sébastopol, port de la Mer Noire où stationne la flotte russe

Cette première initiative du nouveau président ukrainien, Viktor Fedorovytch Ianoukovytch n’a pas été sans friction notamment lors du vote de l’accord à l’assemblée ukrainienne (je vous laisse en juger: ici), alors que la Douma a voté plus, calmement, la ratification de l’accord le mardi 27 avril 2010. Les commentaires ont été peu foisonnant dans la presse français sur cet accord attendu, qui marque le retournement de l’Ukraine vers la Russie, alors que Viktor Iouchtchenko était davantage tourné vers l’Europe, cependant Viktor Ianoukovytch compte bien équilibré les relations certes en privilégiant la Russie mais sans pour autant ostraciser l’union.

Des histoires byzantines et des attentats de Moscou

Autre affaire pour laquelle la Russie a fait parlé d’elle, c’est le discrédit jeté sur les chefs de l’opposition et les artistes de ladite opposition par un scandale savamment orchestré par Yekaterina Gerasimova. “Les vidéos d’ébats sexuels diffusées sur internet ne sont pas que le fléau des célébrités. Une série de sex tapes mettant en scène des opposants au Kremlin ont fait leur apparition en Russie. Les internautes ont ainsi pu voir ce week-end le satiriste et présentateur radio Victor Shenderovich au lit avec une jeune femme. Sur la même vidéo apparaissaient ensuite Edouard Limonov chef du parti national-bolchevique puis Alexandre Belov-Potkine, leader du mouvement d’extrême droite contre l’immigration illégale. Dans chacune des séquences, les trois hommes semblent être en compagnie de la même jeune femme. Celle-ci figurait également dans une précédente vidéo circulant depuis fin mars : elle montrait le rédacteur en chef de l’édition russe de Newsweek Mikhaïl Fishman, très critique envers le pouvoir, en train de sniffer de la cocaïne aux côtés de la belle brune. Toutes ces scènes ont été filmées dans le même appartement, truffé de caméras cachées.” (Le Figaro) Le gouvernement nie toute responsabilité mais cette affaire n’est pas sans rappeler les méthodes communistes pour désarçonner les adversaires politiques, ou plus lointaines les jeux de dupes des cours byzantines dont la Russie est l’héritière. Cependant il n’est pas certain que les Russes apprécient au moment où la crise frappe leur pays comme tous les autres, cette affaire ne porte pas crédit aux politiques.